Enseignant à la HEPL, Valéry Broun a participé au projet OUFTI-1 avec ses étudiants. Fin avril, il était à Kourou pour assister au lancement du nanosatellite. Découvrez son journal de bord!
Depuis le 25 avril 2016, le nanosatellite OUFTI-1 est enfin dans l’espace et est opérationnel ! Valéry Broun était à Kourou pour assister à son lancement. Enseignant à la HEPL, il a participé activement au projet avec ses étudiants. Découvrez son journal de bord (version imprimable illustrée) !
Jour 1 – 21 Avril
La veille du lancement, Arianespace a proposé à ses invités une soirée cocktail de bienvenue afin de rompre la glace. Cette soirée d’accueil, à l’Hôtel des Roches de Kourou, permit de faire de nombreuses rencontres dont :
- Olivier Gosset, journaliste de L’Echo,
- Théo Pirard, journaliste freelance spécialisé dans le spatial,
- Christian Du Brulle, journaliste sur le site Dailyscience.be,
- Thierry Wilmart, ingénieur industriel en électronique diplômé de la HEPL, qui a été Directeur des opérations à Kourou pendant 15 ans et qui est chef de projet chez Arianespace désormais.
Ces diverses rencontres nous ont permis d’expliquer en détails la mission OUFTI-1 ainsi que le programme « Fly Your Satellite » de l’ESA dans lequel il s’inscrit. Occasion a été donnée également de mettre l’accent sur la symbiose qui existe entre les ingénieurs industriels et les ingénieurs civils. Cette particularité du projet nous a permis d’augmenter nos chances de réussite. Les professeurs de l’ULg ainsi que le Recteur ont d’ailleurs à maintes reprises abondé en ce sens.
Jour 2 – 22 avril
C’est le jour J, jour du lancement VS-14. Tout le monde est sur les dents et impatient de voir s’élancer dans le ciel la fusée Soyouz avec à son bord Sentinel 1B, Microscope, ainsi que 3 cubesats dont OUFTI-1.
Les différents invités sont accueillis à la salle Jupiter, qui peut être représentée comme la tour de contrôle de la base de Kourou. Différentes conférences sont données par des représentants du CNES, du CSG ainsi que d’Arianespace. Les missions des différents satellites sont exposées ainsi que la chronologie des évènements. Ce lancement reste focalisé sur la science avec des missions de physique fondamentale ou de cartographie planétaire.
La journée se poursuit par une visite des installations de la base de Kourou. La base de Kourou est en fait une triple base car elle procède à des tirs de 3 lanceurs différents : Ariane 5, Vega et Soyouz. Chaque fusée nécessite ses propres installations, que ce soit au niveau de l’intégration du lanceur que du lancement lui-même.
La visite commence par le pas de tir de Soyouz à Sinnamary (situé à une vingtaine de km de la salle Jupiter). Il a été inauguré en 2011 et c’est le 14e tir d’une fusée Soyouz depuis la Guyane.
Le pas de tir de Soyouz est typique. La fusée est maintenue suspendue dans le vide grâce à une tulipe formée de 3 bras rétractables. Ceux si se rétracteront mécaniquement et automatiquement dès que la fusée présentera une poussée suffisante au décollage et sera donc libérée de toute entrave.
Le hangar visible à l’écran s’appelle le « Gantry » et permet aux équipes d’ingénieurs russes de travailler sur la fusée avant le lancement. Celui-ci est monté sur des rails et est déplacé une heure avant le lancement afin de laisser la fusée seule sur son pas de tir, suspendue dans la tulipe.
Les 4 pylônes électriques sont des paratonnerres protégeant les installations.
Le carneau est l’installation visible sur le devant de la photo, typique chez les lanceurs Soyouz, et a pour vocation d’éloigner les fumées de la fusée lors du lancement. Des systèmes de jets d’eau permettent également d’arroser les fumées et ont pour vocation de réduire le bruit.
La visite s’est poursuivie par un passage au carbet Toukan. Les carbets sont en Guyane l’équivalent de nos huttes à barbecue. Celui-ci a pour particularité de posséder une vue panoramique sur les sites de lancements de Vega et d’Ariane 5.
Afin de procéder à un tir d’Ariane 5, la fusée doit passer par plusieurs hangars. Après que les divers éléments de la fusée aient été acheminés jusqu’en Guyane par bateau, la campagne de construction du lanceur peut commencer. Elle débute par un passage au BIL (Bâtiment d’intégration lanceur) où les divers éléments de la fusée sont assemblés les uns avec les autres sur la table de lancement.
Les propulseurs latéraux à poudre (EAP) sont intégrés dans le BIP (Bâtiment d’intégration propulseur) et sont acheminés verticalement vers le BIL. Après intégration, la fusée est prête mais ne possède pas encore sa coiffe supérieure contenant les satellites ainsi que les propergols nécessaires à son décollage. Cette opération, après un transfert de la fusée positionnée verticalement sur sa table de lancement depuis le BIL, s’effectue dans le BAF (Bâtiment d’assemblage final). Ce n’est qu’après ses diverses étapes que la fusée peut être acheminée sur son site de lancement. Il nous a été permis de visiter le BIL où la fusée Ariane 5 se trouve déjà intégrée pour un lancement prévu en juin 2016.
La journée s’est poursuivie par la visite du bâtiment CL3 (centre de lancement). Celui-ci constitue le cockpit d’Ariane 5. Les différents postes présents dans la salle sont responsables des différents éléments du lanceur. Ceux-ci sont directement en communication avec la salle Jupiter, lors d’un lancement.
Report du lancement pour raison météo (report de 24 heures)
Le tir de Soyouz se fait cette fois-ci vers le nord. En effet, le satellite Sentinel-1B, charge principale du lancement VS-14, est un satellite d’observation de la terre grâce à des radars SAR. Le taux de revisite de ce satellite est de 24 heures, cela requiert une orbite particulière. Celle-ci est dite rétrograde héliosynchrone inclinée à 98.18 ° par rapport à l’équateur et possède une altitude de 693 km. Le tir se fait donc vers le nord en direction du Canada.
Le lanceur ne craint pas les vents d’altitude, mais en cas d’explosion du lanceur, les vents pousseraient les débris vers la ville de Sinnamary, située à l’ouest du pas de tir de Soyouz. En fonctionnement nominal, les gaz d’échappement toxiques, peuvent également retomber sur la même zone. Le tir est donc avorté à H-5.
Il n’est pas possible non plus de postposer le lancement du satellite car le satellite Sentinel-1B doit retrouver son jumeau Sentinel-1A, situé sur la même orbite mais opposé à 180°. L’heure de décollage est donc fixée à 18:02 et 13 secondes. Chaque fenêtre de tir est donc longue d’une seconde et se répète toutes les 24 heures.
Une demande expresse a été formulée par le cabinet de Geneviève Fioraso, ancienne ministre française de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Celle-ci a souhaité nous rencontrer afin que l’on explique la stratégie que notre équipe a utilisée pour parvenir au terme de longues années d’efforts, à lancer un Cubesat construit par des équipes d’étudiants, chercheurs et enseignants. Cette réunion était à sens unique car il ne s’agissait que d’une prise d’informations et non d’une demande de partenariat potentiel.
Jour 3 – 23 avril
Après un repas au carbet des Maripas organisé par Arianespace où nous avons pu encore promouvoir notre projet, le lancement a encore été postposé pour des raisons météo.
Nous en avons profité afin de rencontrer le directeur et les étudiants de l’IUT de Kourou. Ceux-ci ont pour ambition de construire leur propre cubesat et nous leur avons présenté le projet.
Bernard Chemoul, CEO du CNES, ainsi que le directeur du Centre Spatial Guyanais ont pu également s’entretenir longuement avec notre équipe ainsi qu’avec les étudiants de l’IUT.
Jour 4 – 24 avril
J’ai réalisé un « point météo » avec Stéphane Israël, CEO d’Arianespace, au bord de la piscine de l’hôtel des Roches (!). Le vent est faible et le lancement devrait donc avoir lieu.
Le point météo officiel est à H-5. Celui-ci est bon et le remplissage des réservoirs de la fusée peut commencer. Dès ce moment, le lancement doit avoir lieu dans les 51 heures car le kérosène endommage les joints d’étanchéité de Soyouz. Si le lancement n’est pas possible, le lanceur doit être vidangé et renvoyé à Samara en Russie afin d’être reconditionné. Cela provoque un report du tir de plusieurs mois et est donc une catastrophe économique que ce soit du côté lanceur ou du côté client.
A H-2, nous arrivons sur le site Colibri, meilleur site d’observation pour les lancements de Soyouz. Ce dernier est situé à 5,1 km du pas de tir. Une trouée végétale a été opérée vers le site de lancement
Soyouz ainsi que dans l’autre direction vers le pas de tir de Vega. La météo est excellente et les minutes vers le lancement s’égrènent tout doucement.
Le lancement est encore reporté, cette fois pour une raison technique. La centrale inertielle du lanceur Soyouz présente un dysfonctionnement. C’est cette dernière qui permet de piloter la fusée et elle doit être remplacée. Les ingénieurs russes vont travailler toute la nuit afin de pouvoir lancer la fusée le plus rapidement possible.
Jour 5 – 25 avril
Cette fois-ci c’est la bonne. Les Russes ont travaillé toute la nuit, la centrale inertielle a été remplacée et re-calibrée. La météo est également de la partie. Pour des raisons d’intendance, les VIP sont déplacés en salle Jupiter où ils vont pouvoir vivre en live le travail réalisé par les autorités de lancement. Comme prévu, à 18:02 et 13 secondes, Soyouz s’élève dans le ciel, emmenant une partie de Liège vers l’espace.
Le travail du lanceur ne fait que commencer. Après +/- 2 minutes, les boosters latéraux sont largués et retombent dans l’océan. Le deuxième étage, quant à lui, fonctionne encore et amène la fusée à une altitude de 105 km où la coiffe séparant les satellites de l’espace est éjectée. 5 minutes après le décollage, le deuxième étage est également largué, laissant le travail au troisième étage qui propulsera le reste de la fusée jusqu’à la neuvième minute après le décollage où il laissera l’étage Fregat suivre son chemin vers l’orbite désirée.
A ce moment, Fregat propulse les satellites et pose en orbite le satellite Sentinel 1B à une altitude de 693 km.
L’étage Fregat peut se rallumer plusieurs fois et permet donc, en une seule mission, de déposer divers satellites sur des orbites différentes. L’étage est donc rallumé afin de changer d’orbite. Le but visé est une orbite, toujours héliosynchrone, inclinée à 98,23° et elliptique (périgée : 453km ; et apogée 665 km).
2 heures et 50 minutes après le décollage, la manœuvre orbitale est enfin effectuée et OUFTI-1 est largué sur la bonne orbite.
30 minutes après la mise à poste, OUFTI-1 déploie ses antennes et commence à émettre des télémétries via sa balise Morse. L’équipe scrute dès lors sur internet le travail des radioamateurs disséminés partout sur le globe afin d’avoir une confirmation de la bonne santé d’OUFTI.
Quelques minutes plus tard, le soulagement arrive enfin, un radio amateur russe a capté les premiers signaux et nous envoie le fichier wave de la balise morse. OUFTI a survécu au décollage et peut commencer sa mission !
Jour 6 – 26 avril
Grâce à notre contact Patrick Wilmart, ingénieur de l’ex-ISIL, nous avons pu aller visiter le bâtiment où sont intégrés certains satellites. Nous avons eu l’occasion de voir un satellite Galileo (futur GPS européen). Le directeur de projet de Galileo nous a reçus et nous a expliqué la structure et le fonctionnement du satellite. Etant donné la nature confidentielle du projet, il n’a pas été possible de prendre des photos.
Pendant ce temps-là, les trames morse affluent des radioamateurs du monde entier et nous renseignent sur l’évolution du satellite OUFTI-1
Jour 7 – 27 avril
André Gellon, Directeur à Airbus Defence and Space et ancien de l’ULg, nous a mis en contact avec Patrick Wibert, responsable de l’intégration du lanceur Ariane 5. Nous avons donc profité d’une visite approfondie de la fusée Ariane 5 se trouvant au BIL. La visite a commencé sur l’étage supérieur pour se terminer au niveau des tuyères des moteurs.
Source : http://www.provincedeliege.be/fr/evenement/27?nid=10704&from=actu