Archive : 1981 : Réflexions sur la science et la vie

«Il n’y a de joie que de réunir plusieurs choses semblables dans son esprit et beaucoup d’êtres ensemble dans son cœur»

Je suis très honoré d’avoir l’occasion de m’adresser aux membres de I’Union des ingénieurs industriels liégeois à l’occasion de la publication de leur annuaire 1981.

Pour moi, et je les prie de me comprendre, cette année évoque d’abord le 25ème anniversaire de la remise des diplômes à la première promotion des ingénieurs techniciens sortis de de Seraing où j’enseignais. Une séance solennelle dans la salle majestueuse du Conseil provincial a permis aux autorités provinciales de féliciter les 9 pionniers. Pour le corps professoral c’était la consécration des nombreux efforts accomplis avec exaltation pendant trois années pour préparer les étudiants a réussir les examens devant le Jury central conformément aux dispositions légales en vigueur avant la signature du pacte scolaire.

Indiscutablement les épreuves subies en commun ont contribué à établir, entre enseignants et enseignés, des contacts étroits qui ont perpétré le bon souvenir que nous avons gardé d’eux.

Nous avons été heureux et fiers d’avoir contribué à ouvrir la voie du succès des études d’ingénieur technicien organisées par l’enseignement provincial liégeois à Seraing à partir de 1953 et a Waremme à partir de 1957.

Dans le même temps d’ailleurs l’enseignement communal Liégeois s‘enrichissait lui aussi d’une Ecole d’lngénleurs techniciens.

Appelé des 1957 a des tâches de direction j’ai perdu le Contact direct des étudiants mais vers 1966 déjà, je me retrouvais avec des professeurs, des diplômes et des étudiants pour œuvrer à révolution du cadre légal qui a abouti successivement en 1970 à la restructuration de I’enseignement Supérieur et en 1977 à la création du grade d’ingénieur industriel.

Les publications de I’Union des Ingénieurs industriels liégeois ont suffisamment
rappelé la genèse de leur institut pour que j’y revienne à l’occasion de cette chronique.

Il m’est apparu bien plus utile de rassembler ici un certain nombre de réflexions sur la science et la vie dans l’espoir qu’elles contribueront à perpétuer parmi les anciens dans leur entreprise mais aussi dans les rangs de leur association les qualités humaines, que nous voulons leur inculquer durant leurs études pour les aider à surmonter les difficultés de I’existence.

La science et sa conséquence, la technique, sont intimement liées au destin des sociétés humaines. Mais I’avenir de I’homme, I’avenir de I’humanité sont-ils en fonction de  l’évolution de la technique? Les valeurs de la civilisation sont-elles essentiellement des connaissances et des techniques? Le progrès humain est-il fonction de la seule science?

Certes I’invention a réalise en un espace de temps fort court des progrès extraordinairement rapides et I’humanité s’est rendue compte que l’invention technique pouvait être facteur de mieux-être. Il en est résulté la notion que, selon Renan à la fin du 19e siècle la science doit réaliser le bonheur sur la terre et c’est d’ailleurs, sous i’influence des réussites merveilleuses de la science positive que l’on s’est acheminé vers ce que I’on a appelé «le scientisme».

Notre époque technicienne si riche en découvertes et en exploits ne fait cependant qu’augmenter nos angoisses et nos vertiges. La fission de I’atome a fait entrevoir aussi bien les bienfaits qu’on pouvait en tirer que les catastrophes qu’elle est capable d’engendrer. Ce qui I’emporte finalement, dans la balance des comptes, n’est pas de nature matérielle; c’est le capital de scrupules et d’angoisses dont homme ne cesse d’être soumis.

On ne fera jamais assez l’éloge du savoir. Tout relève de lui, la production, les échanges, la circulation, la consommation, la vie corporelle et la vie intellectuelle, l’hygiène, la moralité, rien ne lui échappe, il est utile à tout.

Cependant la vie est là, vie individuelle, vie sociale en toutes ses formes, vie morale, vie internationale. La science a-t-elle la prétention de supporter toute seule le fardeau de la vie humaine et de son avenir?

L’instruction la plus solide, l’exercice le plus habile des facultés intellectuelles ne suffisent pas a nous élever à la sagesse, à la vertu, à la justice, au courage, à la maîtrise de soi. La science n’explique pas la lucidité, la solidarité envers les autres, le sens de la responsabilité, L’idéalisme  I’ambition, l’inquiétude  la joie, la tendresse, la jalousie, la rancune. Elle n’est pas à. la base de la beauté que les artistes, les musiciens, les peintres, les poètes, apportent au monde.

beau divertissement d’une utilité transitoire. A Descartes, l’univers est apparu sous une forme mathématique mais il place au-dessus la pensée, il croit en la justice et en la solidarité humaine. Pour Claude Bernard, contemporain et grand partisan de Pasteur, ami intime de Renan et de Berthelot, la connaissance certaine, c’est-à-dire vérifiable et communicable à autrui sans contestation possible, n’est pas le ressort unique et principal de la vie, les sciences et leurs développements auront une influence certaine sur la marche et le développement de la civilisation mais les principes de la civilisation (la morale, la pensée, la conscience) n’en seront pas modifiés.

Est-ce à dire que la science ne soit pas un bon instrument. Nul homme sensé ne
peut songer à Ia déprécier. Mais il faut la laisser à son rôle et ne pas en faire I’objet
d’une tendresse aveugle. L’homme moderne est devenu matérialiste et positif. Ce
qui frappe c’est I’écart entre notre Science et notre morale entre notre confort et
notre absence de joie, entre notre présomption et notre fragilité. Au Contact de Ses
semblables. I’homme doit être capable de bien, de générosité, de tendresse, de
justice, de respect des personnes, de leur compréhension, avoir le courage de la
vérité. doit rechercher une amélioration des valeurs morales, un accroissement
de la qualité de la vie. L’homme libre doit pouvoir toujours chercher à vouloir 
mieux.

La vie ne doit pas être une stagnation passive, elle exige d’aller toujours plus loin, en substituant le régime de la qualité à Celui de la quantité. Elle peut être Conçue comme une œuvre à poursuivre, comme une somme d’affrontements, de décisions, comme une construction de la volonté. On n’arrête pas la vie, à nous de faire que les instruments que I’homme moderne à su donner demeurent de simples instruments au lieu de se métamorphoser en tyrans.

A côte de la science, la merveilleuse sensibilité, la haute volonté et la profonde Conscience de I’homme doivent être mises à I’honneur.

M. DANGOXHE
Directeur de L’ISIL

Annuaire 1981 – Réflexions sur les sciences et la vie.pdf.

Archive : 1981 :Message du Baron Clerdent Administrateur Président d’Honneur de la S.A. Cockerill.

Plus personne ne doute de la gravité de la crise. En Wallonie, toutes les entreprises, tous tes secteurs sont atteints, Rares sont les familles qui ne comptent pas un chômeur ou un prépensionne. Des jeunes sortis hier de nos écoles, sont inoccupés, des hommes d’expérience sont prématurément privés de toute activité au moment même où ils auraient pu faire profiter pleinement la communauté de l’acquis de toute leur vie professionnelle.

Ces constatations et d’autres encore – ne peuvent cependant justifier le découragement ou alors cette crise, assurément exceptionnelle, n’aurait servi à rien. Car l’adversité invite à s’interroger sur les conditions du renouveau économique. Je n’en évoquerai que quelques-unes qui concernent tout particulièrement les porteurs d’un diplôme comme celui que délivre l’Institut Supérieur Industriel Liégeois.

Le Wallonie a trop longtemps vécu sur la lancée du XIXe siècle et des industries de base que celui-ci a engendrées. Non point que toute diversification notamment mécanique – fût absente des structures. Mais ces activités plus évoluées se sont elles-même étiolées. C’est tout à la fois l’esprit d’entreprise, le goût du risque, la créativité et donc’ un souci constant de recherche qu’il faut restaurer. La tâche ne sera pas aisée car trop vite satisfaits de succès faciles, beaucoup se sont mal accommodés de telles exigences, cependant fondamentales.

Il faut donc que la génération qui rendra à Liège sa prospérité et sa grandeur,
assume un effort inhabituel dont il ne faut mésestimer ni l’ampleur, ni la durée. Le
diplôme délivré par I’ISIL. est de ceux qui sont les plus nécessaires au redressement
de l’économie liégeoise. il authentifie la formation a la fois technique et générale
qui fera, demain, les gestionnaires rigoureux et les animateurs énergiques de nos
industries. Mais les connaissances acquises ne peuvent être exhaustives et seront
rapidement dépassées. Dès lors chacun devra constamment les adapter, les
rénover. Ici encore, l’effort sera quotidien mais ceux qui I’accepteront et le
pousseront jusqu’à sa conséquence ultime, auront apporté une contribution
irremplaçabbe au rajeunissement de notre région et à l’édification d’un monde nouveau.

Extrait de l’annuaire 1981 de l’UILg

Annuaire 1981 – Message du Baron Clerdent